lundi 3 août 2009

LowGow

Il était une fois une fille qui avait envi de partager le logo officiel de son embryon de Compagnie de Théâtre ainsi que l'identité de son graphiste à tout le cyber univers.

***Guillaume Jolicoeur
william@handcraftedsnakes.com***

La fin.


lundi 11 mai 2009

do ré mi fa si la seul


Il y a quelques semaines, j'ai enfilé mes fausses perles, étouffé ma sueur avec du parfum à la vanille et aux fleurs d'oranger et hop! me suis rendue au Mainline Theater pour assister seule à l'adaptation théâtrale de Gros-Câlin. C'est ce livre de Romain Gary que j'ai lu en premier parce que dans un magasine du dentiste, il y avait un jeune auteur qui racontait qu'il aimait l'offrir en cadeau. Certes, je suis influençable ; j'avais envi d'avoir un cadeau moi aussi. Une heure et cinquante de bonne littérature, un seul personnage, un décor simple, plein d'espace pour les mots. Dans le moins sympathique, des powerpoints inutiles, des changements d'éclairage étranges et injustifiés, billet à 25$, deux jeunes filles en arrière qui parlent. Les gens devraient arrêter de confondre théâtre et télévision, ça fuck tout la communitas.

Je n'appellerais pas cette entrée une critique. Le théâtre, tout comme la littérature, ça me fait réfléchir. Je préfère définitivement le crayon noir au crayon rouge. Ce qui est d'autant plus particulier pour ce spectacle, c'est que c'est un mariage littérature et théâtre, le plus simple possible même, l'équivalent d'une intime cérémonie à l'hôtel de ville. Les bancs du Mainline sont disposés de manière à ce qu'on se sente comme les trois murs d'une pièce; un théâtre intime, le terme en puissance.

Ce livre retrace l'histoire de M. Cousin, un statisticien troublé, qui cherche désespérément à combler le vide de son existence auquel fait écho la vacuité des relations. À défaut de trouver l’amour chez ses contemporains, il s'éprend d'un python mature capable de l’enlacer dans une puissante étreinte. Mais la vie parisienne avec Gros-Câlin, le reptile chéri, ne va pas sans tracas. Objet de curiosité pour certains et repoussoir pour d’autres, Gros-câlin représente un obstacle supplémentaire dans la quête affective du héros. De fait, il matérialise l’inadéquation du personnage. Progressivement, le lecteur comprend que l’étrangeté du reptile, sa présence incongrue dans Paris, l’improbable potentiel de communication que la bête manifeste sont aussi des caractéristiques de Cousin. Déçu par des amitiés chimériques et un projet de mariage qui n’existait que dans sa tête, le personnage se referme sur lui-même, confiant au hasard et à la contingence le soin de lui rappeler sa propre existence.

Peut-être Romain Gary se sentait-il moins seul à cause de son dédoublement d'identité ou peut-être est-ce justement une querelle catastrophique entre lui-même et Emile Ajar qui l'a poussé à jouer une dernière partie de bonhomme pendu... À mon avis, jouer un morceau sur la solitude aussi intense doit être profondément déstabilisant pour un comédien. C'est qu'il lui faut faire une totale immersion dans le texte, tout comprendre, y accrocher quelques repères et jouer à l'élastique entre les différents propos. Écrire ce roman a également dû être torturant pour l'âme. Tout le monde a donc été très courageux. L'arrangement du texte m'a déçue; comme pour toute adaptation, les lacunes clignotent aux yeux de ceux qui ont lu le livre. Il y a tellement de moments avec une si belle théâtralité qui n'ont pas été exploités. Mais tant mieux si cette représentation a fait comprendre aux élèves en matinée scolaire avec qui je partageais le rôle de public que la littérature, ce n'est pas que Poil de Carotte, La mémoire de l'eau et Des souris et des hommes. Et aux deux filles dans le fond qui parlaient (blondes bleachées, une en blanc, l'autre en jaune), il faut vraiment avoir de sérieux problèmes pour discuter pendant une pièce sur la solitude.

Extrait du roman qu'on a sauté dans la pièce à mon grand désarrois.

Extrait p.74-75, Gros-Câlin, Romain Gary (Émile Ajar)
"Le soir, j'ai fait un truc inouï pour "sortir", comme disent les garçons du bureau. Je faisais dînette sobrement au restaurant des Châtaigniers, rue Cave. À côté de moi, il y avait un couple de moyen âge qui ne m'a pas adressé la parole, comme on doit entre étrangers. Ils mangeaient une entrecôte-frites.
Je ne vois pas où j'ai trouvé le courage de faire ça. Bien sûr, j'ai toujours envi d'avoir quelque chose en commun, c'est les années d'habitude, à cause du manque, qui font ça. Mais il y a la répression intérieure, pour ne pas déborder en société, comme il faut pour vivre dans une immense cité sans se gêner. Seulement, bien sûr, parfois ça déborde.
C'est ce que j'ai fait.
J'ai tendu la main et j'ai pris une frite dans leur assiette.
Je souligne leur à cause de l'énormité.
Je l'ai mangée.
Ils n'ont rien dit. Je crois qu'ils ne l'ont pas remarqué, à cause de la monstruosité, de l'énormité, justement.
J'ai pris une autre frite. C'était la faiblesse qui faisait ça, c'était plus fort que moi.
J'ai continué.
Trois, quatre frites.
J'étais couvert de sueur froide, mais c'était plus fort que moi. La faiblesse, croyez-moi, c'est irrésistible.
Et encore une frite, comme ça, en toute simplicité, entre amis.
J'étais complètement épouvanté par mon fort intérieur. Je faisais une sortie, quoi. Une percée.
Et encore une frite.
Le commando de l'amitié."



Le rôle que joue le python dans l'oeuvre est indéniablement central. Ça me rappelle le mythe de Méduse. Jalouse de la beauté irrésistible de la jeune femme qu'était Méduse, Athena lui jette un sort qui la transforme en cette créature pétrifiante tellement elle est affreuse. Puis, Athena porte fièrement la tête au visage tordu sur son bouclier après avoir exigé son exécution. Ça ne fait que prouver que même dans la mythologie grecque, la notion d'égoïsme existe. Ce sont justement le regard des autres qui nous rendent tant marginaux. Tout le monde est tant soucieux de cette notion malsaine de normalité, pourtant tellement difficile à définir, dont le sens est sensé être propre à chacun. Pourquoi les gens hallucinent ils des tentacules sur les tempes des êtres différents qu'ils rencontrent?! Pourquoi cette majorité est-elle soudainement de marbre devant un individu unique qui laisse allègrement son identité éclore?! Ne devrions-nous pas simplement accueillir ce comportement avec un large sourire et un regard de complicité?! Je déteste les gens populaires, les crinières de lions et les crêtes de coqs. Je préfère les histoires qui mettent en scène de petites personnes prisonnières du tourbillon de la classe ouvrière. Je préfère les gens qui participent aux mouvements, aux rebellions, qui pataugent dans la bouette intellectuelle de la société matérialiste, une paille en spirale à la bouche pour respirer encore un peu une fois complètement enfouis.

Dans Gros-Câlin, on peut aussi voir une autre image si on se réfère aux paroles de Sir MixALot "My anaconda don't want none / Unless you've got buns hun" mais peut-être est-ce simplement moi qui voit du sexe partout. La quête d'affection est bien sure présente. L'amour prend des allures si commerciales en société. Il faut s'ouvrir un livre, déshabiller un poème, puis, avoir la chance d'échanger des liquides avec un autre individu pour commencer à découvrir ce en quoi la chose consiste vraiment. Pour quelqu'un d'aussi seul et rejeté tel que Cousin, une poignée de main, c'est l'extase. Même si la chose peut être très tragique à première vue, cette naïveté est d'une rare beauté. C'est ce qui fait tout le charme du personnage. Et tout être sensible, ou presque, a envi d'être l'ami de Cousin en lisant ce roman, de lui expliquer des choses, de le laisser les comprendre et choisir de les rejeter ou les assimiler.

Moules, frites à volonté.

*bruit de cloches*
tourne la page